Christophe HONORÉ

Auteur


« Christophe Honoré est cinéaste. Pourtant il n’est jamais aussi juste qu’en écrivain. Parce que là, rien ne le freine. Seule l’énergie compte, le processus créatif en cours, l’expérience avec la force du défi puisqu’il n’y a que l’indicible qui l’intéresse. Comme un vertige dont on n’approche jamais sans risque. Mais à quoi bon la prudence ? Cette fausse garantie que la vérité existe, comme une déesse tutélaire, qui impose un respect si confortable.


« Je peine.
Je ne sais pas écrire comme ça. Se souvenir et écrire, chez moi ça ne marche pas ensemble. Toujours l’impression que les phrases sont à côté, en dessous des émotions que ma mémoire a triées. Toujours l’impression que l’élan nécessaire à l’écriture est freiné par ce regard en arrière.
Je ne sais pas écrire. Comme une pâte, incorporer les oeufs, la farine, le sucre, une heure au four, et voilà, le beau gâteau. Très mauvais pâtissier littéraire, je suis.


Il s’agirait pour moi dans ce livre de mélanger des morceaux de ma vie d’enfant de dix ans, des morceaux de vraie vie, les uns après les autres, présentés chacun de manière assez délicate et précise pour que, au moment de remuer l’ensemble, tout demeure compréhensible et agréable, et que même si la pâte n’est pas si lisse, pas sans grumeaux, l’écriture, comme une cuisson, transforme tout ça en un gâteau appétissant, voilà mon projet, mais je n’y arrive pas. »


(…) dès son premier livre, Honoré s’est imposé. Par son ton, sa conviction que l’écriture seule peut tenter d’approcher la part d’ombre qui nous hante. Avec Tout contre Léo, il fit, à 25 ans, une entrée fracassante dans le monde du livre de jeunesse, la porte la moins bien gardée de la littérature, parce qu’on la croit trop conventionnelle ou trop étroite pour mériter un vigile. Tant mieux.


Cette histoire d’amour fraternel et de mort, perte d’une innocence que les « grands » jugent à tort nécessaire de préserver ­ – le petit Marcel peut-il savoir que son frère Léo va mourir du sida ? ­-, connaîtra un nouveau malentendu cinq ans plus tard, lorsque Honoré, qui se résout à adapter et à réaliser lui-même le téléfilm que veut en tirer M6, voit son premier long métrage remisé dans les placards de la chaîne, sous prétexte d’une ébauche de scène d’amour entre deux jeunes hommes, jugée irrecevable (…) »



Philippe-Jean Catinchi
Article paru dans le Monde du 16.09.05